L'Échine du chapiteau - 2023 - FARaway festival des arts à Reims

PREMIÈRE
CRÉATION

L’Échine du chapiteau

Tenir / la barre des navires / pour qu’ils portent ensemble / le nom d’un vent nouveau

Delphine Gatinois

Présenté par FARaway

Au grand marché de Bamako,
l’étendue de ses parasols dessine une grande voilure.
Si chaque parasol définit, par son ombre, un espace de vente,
il abrite au-delà.
Il témoigne de la place d’un individu
dans l’ensemble, dans le collectif.
Le dimanche, au milieu de l’après-midi,
le grand marché s’octroie enfin une pause.
Un court silence pour entrevoir l’ossature du lieu.
Les parasols sont rabattus.
Leurs pieds restent et deviennent les mâts d’un grand navire.
Le Mali a récemment connu un embargo.
On l’a fermé de ses frontières.
Le pays, depuis plus de dix ans,
essuie une succession de tempêtes.
Alors ces armatures et leurs voiles prennent
des allures de colonnes vertébrales et nous démontrent,
comment tenir debout, ne pas se défaire.
L’échine du chapiteau est un projet pensé au Mali.
Les installations imaginées pour FARaway,
présentées en quatre lieux, se font écho.
Leurs éléments se regrouperont et s’activeront ensuite
dans une phase chorégraphique.

 

À LA COMÉDIE
Tenir introduit cette installation pensée en quatre lieux par un ensemble photographique : des images attendent d’être traversées et pratiquées.

AU FRAC
(…) la barre des navires (…) s’appose dans les coursives vitrées du FRAC comme une évidence à la résistance. Ce diptyque révèle le point de départ de ce projet : le grand marché de Bamako, vide, un dimanche après-midi.

À L’OPÉRA
(…) pour qu’ils portent ensemble (…) prend forme dans le foyer de l’Opéra. Son comptoir initial devient un étal de marché qui rend hommage à un geste agricole, celui du calibrage. Il fait aussi écho à l’étal des bouchers du marché du Boulingrin et deviendra une scène sur la scène pour la suite du projet.

AU MANÈGE
(…) le nom d’un vent nouveau présage la suite chorégraphique de l’Échine du Chapiteau, où la navigation, la danse, l’architecture et les marchés (de Bamako au Boulingrin) se rejoindront. Un diptyque en extérieur se complète, dans le hall, par un parasol photographique. Celui-ci, rejoindra le grand marché de Bamako, et sous son ciel se poursuivront les gestes marchands, dansés, vécus.

 

• La photographie de ce qui n’est pas là…

« Dans le travail de Delphine Gatinois, l’acte photographique est la somme complexe d’autres actes… de collecte, d’entassement, d’oubli, de déplacement, de mise en relation, de réflexion et d’échanges de toutes sortes. Et la proposition finale, l’image photographique qui est donnée à voir, n’est pas seulement une prouesse technique. Elle invente et déploie une fiction, elle dépose, dans un cadre, un autre univers, un autre réel… qui se joue du spectateur. (…)

Lorsque le flottement existentiel commence à s’installer entre elle et l’endroit où elle se trouve, quand le rythme du quotidien commence à parasiter ses espaces intérieurs, Delphine Gatinois bouge… Elle change de place, elle s’en va en atelier au grand air. Dans sa mobilité, elle rassemble des lieux multiples et des réels épars. La création de chaque œuvre, toujours, commence dans un lieu, continue dans un autre. Pour s’enrichir quelque part, plus loin du premier point de vue où tout a commencé… Tout est comme si la mobilité était la principale méthode qui sert l’écriture de l’artiste. Une écriture continue et voyageuse qui, seule, semble convenir à la quête esthétique des croisements des mondes humains, des accumulations des objets et des juxtapositions des idées… Et même, certaines fois, du vide qui déborde des choses et des hommes. Cette mobilité-méthode sert toute l’attitude artistique de Delphine Gatinois. (…)

Les ferments de son écriture sont, presque toujours, des formes, des objets, des couleurs, des gestes, des paroles et plein d’autres signes – au sens Barthien – portés et transportés d’un lieu à un autre, de cet autre à un troisième, à un quatrième et plus encore… Il ne s’agit, jamais, de relevés instantanés notés dans un carnet de voyage, ni de souvenirs, vite traversés, qui resurgissent. Ce sont bien des bouts de réel incisés dans la chair de l’artiste, des morceaux de lieux enfouis au plus loin d’elle-même. C’est le réel en chaque lieu et à chaque infime instant qui s’incruste insensiblement et si profondément en elle pendant qu’elle est installée – à Bamako, à Mayenne ou à Bogota – à parler de ses autres voyages et d’elle-même, à regarder la beauté des choses ou la tristesse des visages, à toucher des personnes et à se laisser toucher par des personnes. C’est son être artistique qui est, à chaque séjour, pénétré de quelque chose d’essentiel en ces lieux eux-mêmes. Delphine ne traverse pas les endroits où elle va. Dans chaque expérience, elle recherche au-delà de la simple actualité, ce qui fait réel, ce qui témoigne de l’existence vraie du réel. »
Chab Touré, Commissaire d’expo, 2020.